vendredi 30 novembre 2007

Marie-Andrée Tremblay à moi...

Merci à cette lectrice de partager une aussi belle lettre et elle m'autorise à la partager avec vous!


Bonjour à toi chère femme d'un militaire,

Si je vous écrit aujourd'hui, c'est pour vous envoyer une lettre que j'ai écrite à mon ami militaire qui est lui aussi déployé en afghanistan. Cette lettre reflète beaucoup le fond de ma pensée quant à ce que je vis avec la mission de cet ami militaire et je me suis dit que vous auriez peut-être aimé en prendre connaissance. Je lis souvent votre blogue et trouve très intéressant de plonger dans le monde d'une famille dont l'un des parents est déployé. Bien sûr, je ne suis pas compagne de militaire, mais je sais ce que peut être l'inquiétude liée à l'éloignement et surtout lors d'une mission comme celle-ci.

Bonne lecture,
Marie-Andrée Tremblay



Lettre à un ami militaire




Il est parfois très difficile d'imaginer le travail d'un militaire au combat. Certains diront qu'ils s'agit d'une mission inutile, d'autres que le militaire est poussé par le goût de la gloire ou par la prime de combat. Mais peut importe ce que peuvent croire les autres, je suis persuadée qu'il y a une raison tout autre pour la plupart de ces soldats, qui en plus de quitter leurs familles, leurs amis, leurs conjointes et leurs enfants, risquent leur vie à toute heure du jour en sol afghan. Cette raison, elle est sans doute semblable à la tienne. Cette idée de faire une différence dans un pays qui en a tant besoin, cette idée de redonner un nouveau soufle à un pays qui suffoque dans la poussière des traces laissées par la guerre. Nul doute qu'il faut avoir une force impressionante de caractère pour dire à tout ceux que l'on aime que l'on part à l'assaut des talibans, tenter de donner à tous les habitants du pays une qualité de vie s'apparentant à la nôtre.




Cette force de caractère, je l'ai découverte en toi dès notre première rencontre. Elle était animée par une conviction bien simple, celle de faire un travail qui peut faire la différence. Un travail qui est tout aussi primordial que celui de l'ambulancier ou du pompier, mais qui nécessite une mission beaucoup plus longue qu'un simple quart de travail. Une mission qui fera aussi bien la différence, mais dans un avenir beaucoup moins rapproché. Cette mission, c'est celle que tu as choisi, celle qui fait battre ton coeur à chaque jour, entre deux coups de feu ou des attaques de mortiers.




C'est vrai que ma réalité est bien différente de la tienne, que les dangers qui me guettent sont beaucoup moins imminents que ceux qui pèsent sur toi à tout moment. Mais ma mission est tout aussi importante. La mission d'une amie d'un militaire, c'est la même que celle d'une mère pour son enfant, d'une femme pour son mari parti en guerre. À défaut de n'être ni ta mère, ni ta compagne, je suis celle qui s'inquiète de voir partir la vie en toi, mais encore plus le sourire qui t'habite. Bien entendu, chaque nouvelle que les médias communiquent au sujet de cette guerre qui est si loin de moi me laisse dans la crainte et dans la peur de te perdre, mais c'est beaucoup plus que cela.




L'ami, c'est celui qui prend ta main et qui garde le silence, parce qu'il sait que tu n'as pas besoin de parler, mais seulement de ne pas être seul à pleurer. L'ami est là pour comprendre ta détresse, mais sait surtout que dans bien des cas, la famille est là pour te conseiller et te guider dans tes épreuves. Il se contente alors de te changer les idées, et de te faire réaliser que malgré le désarroi, le sourire est bien toujours là, il est seulement caché. Cet ami, il se fera un devoir de faire sortir ce sourire de sa cachette et de te faire comprendre qu'il y a plusieurs sortes de bonheur. Que malgré cette réalité vécue pendant la guerre, sous le poids du stress au combat et de la crainte engendrée par la mission, se trouve un objectif qui était présent au départ, et qui est porteur de satisfaction et d'accomplissement de soi.




Nul n'est censé croire que le négatif ne renferme que du négatif, il s'agit plutôt de l'idée que l'on s'en fait. Au contraire, dans toute chose négative se cache du positif. Il est bien évident que tout ne se fait pas en un instant, il faut laisser le temps faire les choses et prendre du recul. La mission d'une amie comme moi, c'est alors de permettre à l'ami militaire d'emprunter une route montagneuse et difficile à escalader, afin qu'il puisse voir de haut ce que le chemin en partie détruit par la guerre a laissé derrière lui. Ce qu'il verra ne sera sans doute pas parsemé de champs de fleurs ou de rivières ruisselantes d'un bleu clair. Non, il s'agira peut-être d'une vision d'horreur: il verra la sécheresse d'une amertume laissé par la guerre, le froid des nuits désertiques qui peuvent glacer le sang à chaque coup de fusil, ou le souvenir de la peur engendrée par l'idée de marcher sur la roche de la mort.




Mais cette montagne escaladée à l'aide d'une amie, elle sera beaucoup plus qu'un simple chemin. Elle sera la voie permettant de se rapprocher du soleil, de la chaleur du coeur, de la chaleur de la vie. Cette montagne, c'est le sommet d'un accomplissement dont les épreuves ont permis d'atteindre les nuages. Un chemin peut disparaître à cause d'une guerre, comme il peut aussi disparaître à cause d'un glissement de terrain ou d'un tremblement de terre. Il sera alors reconstruit par ceux qui ont espoir de le rendre à nouveau utile. Car si un chemin a été construit, c'est qu'il avait un but, une mission à accomplir. Comme le militaire, il a pu être blessé de toutes sortes de façons, mais il n'est pas perdu tant que la reconstruction est possible.




Du haut de cette montagne, à mes cotés tu verras que la vie est faite pour être escaladée. Du haut de cette montagne, je te prendrai la main et ensemble nous toucherons les nuages. Ta main dans la mienne alors tu comprendras que tu n'es pas seul, et que même si la réalité n'est pas la même pour chacun, que même si ta réalité est bien différente de la mienne, le sourire et l'amour que j'aurai pu te transmettre par un simple calin seront toujours présents avec toi. Que malgré la distance, ton humour n'est pas que souvenir, mais qu'il est bien présent, il est seulement dans l'attente. Que la joie de t'avoir à mes cotés est la même que celle de t'avoir dans mes pensées et que ton retour ne sera pas pour moi un soulagement, mais plutôt un bonheur que de savoir que tu es parvenu à accomplir quelque chose qui te semblait si important.




Je tiens à te rappeler qu'il est une chose que d'avoir des buts et des convictions, mais qu'il en est une autre que de prendre des actions concrètes pour les accomplir. Cette mission, elle est celle de plusieurs militaires canadiens, mais elle est aussi celle de plusieurs familles, amis, conjointes et enfants, qui malgré la distance n'ont jamais cessé de croire que l'être tant aimé était en train de s'accomplir en tant que personne et d'aller au bout du rêve de bien des gens : celui de faire une différence dans le monde.




Sache mon ami, que pour faire une différence, il faut conjuguer le verbe tenter. Que les mots et la grammaire sont une chose, mais que les actions qui permettent de valider leurs utlisations en sont une beaucoup plus importante.




Que de mon salon au Québec, beaucoup de mes pensées sont à chaque jour pour toi. Parce qu'en plus d'être un ami, tu es une source de motivation, ou du moins la mienne. Tu es celui qui me rappèle à chaque jour combien il est important de sourire et de rire car je sais que c'est pour toi une chose essentielle et primordiale. Tu est aussi celui qui me permet d'aimer ma réalité, parce que même si elle n'est pas toujours facile pour moi, je suis à même de réaliser que cette réalité ne demande pas le sacrifice de milliers de soldats. Que ce Québec ne doit pas être pris pour acquis et qu'il ne faudrait pas avoir eu peur de ne pas revenir pour comprendre qu'il y fait si bon vivre.




Mais si il y fait si bon vivre, c'est aussi parce que ta présence ici rend la vie beaucoup plus agréable. Continue de te battre pour cette mission qui te tenait si à coeur lors de ton départ et comprend que ton retour ne sera rien d'autre que la preuve que la volonté humaine est sans limite. Et chaque fois que ton coeur sera rempli de doute ou que la peur prendra le dessus, pense à moi, à ma main dans la tienne et à mon sourire qui regarde tes yeux en signe de fierté.




Courage Soldat, cette mission elle est la nôtre, et avec fierté tu l'accompliras!







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Marie-Andrée Tremblay

3 commentaires:

moi m'aime a dit…

Je suis sans mots.. merci pour ce partage

Rosie a dit…

Je suis sans mot aussi .. À près de 30 jours de mes retrouvailles avec mon militaire, cette lettre est venue me chercher .

Il en a de la chance ton ami de t'avoir.

Rosie XX

pistache a dit…

Je ne sais pas quoi dire. Tellement bien écrit et vrai